L'enfant des lions

L’enfant des lions : Avant/Après #01

En pleine correction de L’enfant des lions, je me suis dit qu’il serait sympathique de vous donner un aperçu des changements qui peuvent être apportés grâce aux remarques bienveillantes de bêta-lecteurs…

En effet, comme je l’évoquais dans cet article sur le cycle Cocyclics, j’ai reçu les retours de plusieurs bêtas-lectrices. Je suis actuellement (et depuis longtemps, je sais…) en « phase 4 », la correction finale : correction de forme, principalement, mais aussi de quelques détails sur le fond.

J’essaierai de vous proposer chaque semaine un avant/après d’un court extrait. L’avant sera tiré de la version envoyée à mes bêta-lectrices en début de phase 3 (donc après les grosses corrections sur le fond, mais avant les phases « bricolage » et « Gallimard » évoquées dans l’article ci-dessus). J’évoquerai les problèmes soulevés, puis posterai l’extrait corrigé.

Chapitre 1

Les toutes premières lignes du roman… Pour le coup, cet extrait-ci est un peu plus long – mais il ne risque pas de spoiler toute l’intrigue !

Avant

— Passe ! Mais passe, enfin !
Trop tard. Marco regarde le ballon filer, traverser la moitié du terrain et passer juste à côté des cartables qui délimitent les buts. Il pousse un soupir et lance un regard assassin à Djimon.
— T’es soûlant à jouer perso ! J’étais bien placé, j’aurais pu marquer, moi !
Mais Djimon hausse les épaules et essuie un peu la terre qui lui colle sur le torse. Tout à l’heure, il s’est jeté par terre pour récupérer le ballon. De noir, il est devenu tout rouge, comme s’il avait remis le haut de son uniforme. Finalement, il répond :
— C’est pas de ma faute, on voit mal les buts. À Parakou…
— Ouais, c’est ça, on connait le refrain, grogne Sossou, l’autre membre de leur équipe. À Parakou, tout est mieux que partout ailleurs.
Marco secoue la tête, aussi agacé que les autres. Djimon n’est arrivé à Banikoara que depuis deux mois ; avant, il vivait à la capitale. Mais son père a été réaffecté ici, dans la plus petite ville du Bénin, et il a du mal à s’y faire. Il n’arrête pas de faire des comparaisons.
Au début, Marco ne voulait pas être copain avec Djimon, à cause de son père. Un Gardien. Mais tous les autres garçons de la bande trouvaient que ce serait super classe que le nouveau de l’école traîne avec eux. C’est le premier nouveau depuis des années – bien avant leur naissance. Alors Marco a cédé. Il doit juste faire encore plus attention à ce qu’il raconte devant ses copains. Il ne faudrait pas que ses parents aient des ennuis avec la Garde Présidentielle à cause de lui.
— À Parakou, on a de vrais terrains de foot, reprend Djimon. Et puis personne ne va près du Mur comme ça, c’est interdit !
— Mais tu vas nous lâcher avec Parakou ?! s’énerve Sossou. Ici aussi c’est interdit, d’abord, sauf que nous on n’a pas peur !
Comme pour le prouver, le garçon avance jusqu’au Mur, à quelques pas de là, et lui donne un coup de pied. Tout le monde rigole, sauf Djimon, évidemment.
Le Mur entoure toute la ville de Banikoara. Il est immense, au moins dix mètres de haut, avec du fil barbelé au sommet. Il a été construit longtemps avant la naissance de Marco, quand Papa n’était qu’un petit garçon. Il y en a un autour de chaque ville du pays. D’après le Bien-Aimé Président, ils ont été construits pour protéger les gens des animaux. Ils étaient devenus fous à cause des Étrangers et ont massacré presque tous les habitants du Bénin. Enfin, c’est ce qu’il dit, en tout cas.

Les soucis

Principal problème soulevé par mes bêtas dans ce début de chapitre : un problème de visualisation. Au moment où le Mur est mentionné pour la première fois, le lecteur a déjà eu le temps de se faire une image mentale des lieux ; rajouter brusquement le Mur dans le tableau l’oblige à remettre en question tout ce qu’il s’était imaginé, et ça peut le sortir de sa lecture.

Il y a également un souci avec la gestion de l’information – et ce, dans l’ensemble du chapitre. On apprend beaucoup de choses très vite, et certaines allusions censée installer de la curiosité chez le lecteur embrouillent plus qu’autre chose tant qu’on n’a pas d’explications claires, par exemple : « Il doit juste faire encore plus attention à ce qu’il raconte devant ses copains. Il ne faudrait pas que ses parents aient des ennuis avec la Garde Présidentielle à cause de lui. »

Autre petit souci : Marco n’est pas présenté sous son meilleur jour, par exemple quand il lance un regard « assassin » à Djimon, ce qui peut empêcher le lecteur de s’attacher à lui.

A ça viennent s’ajouter quelques détails notés après avoir proposé ce chapitre en lecture à une fillette de neuf ans. Elle a été perdue par le démarrage en pleine action, mais aussi refroidie par le fait que ça commençait par une partie de foot et par l’absence de fille – qui lui ont donné l’impression que le roman était « pour les garçons ».

Enfin, à mesure que j’avançais dans l’écriture et dans la réflexion sur les tomes suivants, Djimon a pris une importance imprévue, et le caractère qui transparaissait dans ces quelques lignes ne collait plus avec ce qu’il était devenu.

Les corrections

Dans la suite du chapitre, on apprend aussi d’autres choses de façon « tell », comme le fait que les enfants « prêtent serment » de garder le secret sur leurs virées dans la zone interdite. Ce serment est le prétexte invoqué par Marco pour empêcher les autres de parler de la découverte qu’ils font ce jour-là – mais à part ça, il restait très anecdotique.

J’ai donc décidé de commencer par « l’initiation » de Djimon ; ce démarrage permet de poser un peu plus calmement le contexte, d’améliorer la visualisation des lieux, de mettre un peu plus de « show ». Djimon et Marco ont eu droit à un affinement de leurs réactions. Les allusions mystérieuses à la Résistance ont été supprimées ; elle est évoquée seulement plus tard dans le chapitre, avec des explications concrètes d’entrée de jeu. Et j’ai rajouté une fille dans la bande ^^

Après

C’est incroyable comme les gens peuvent se montrer stupides parfois.
Marco n’arrête pas de tourner et retourner cette pensée dans sa tête tout en traversant le bidonville avec sa bande de copains.
Juste à côté de lui, Djimon regarde les environs avec de grands yeux. À croire qu’il n’a jamais vu de maison en tôle ou de cabane en terre avant aujourd’hui. C’est peut-être le cas…
— Il n’y a pas de bidonville à Parakou ? demande Marco, curieux.
— Si, répond Djimon. Mais j’y vais jamais.
Il se corrige presque immédiatement.
— Enfin, j’y allais jamais.
Djimon n’est arrivé à Banikoara que depuis deux mois, au beau milieu de la saison des pluies. Avant, il vivait à la capitale, mais son père a été transféré. Il n’y a que les Gardiens et leurs familles qui ont la chance de pouvoir changer de ville de temps en temps – même si Djimon ne considère pas vraiment ça comme une chance. Il aurait préféré rester dans son école et garder ses copains.
Marco hausse les épaules. Le garçon n’a pas trop à se plaindre. Il était à peine arrivé que déjà tous les enfants de l’école se disputaient pour l’avoir.
— On y est ! s’exclame brusquement Sossou.
Rosa et Phinéas poussent Djimon dans le dos pour l’amener devant lui. Et juste devant le trou dans le grillage qui barre l’accès au Mur.
Le Mur entoure toute la ville de Banikoara. Il est immense, au moins dix mètres de haut, avec du fil barbelé au sommet, et des caméras un peu partout. Il a été construit longtemps avant la naissance de Marco, quand Papa n’était qu’un petit garçon. Il y en a un autour de chaque ville du pays. D’après le Bien-Aimé Président, ils servent à protéger les gens des Étrangers et tenir les animaux sauvages à l’écart.
— Tu as déjà prêté serment, déclame Sossou. Voici maintenant l’épreuve finale.
Marco secoue la tête. Sossou est d’un ridicule quand il essaie d’avoir l’air cérémonieux…
— Tu dois aller toucher le Mur et revenir ici, continue le garçon. Ensuite seulement, tu feras partie de notre confrérie.
Djimon pâlit brusquement. De noir, il en devient presque gris.
— C’est une blague, hein ?
Tous éclatent de rire, sauf Marco. Lui aussi aimerait bien que ce soit juste une blague.
En théorie, c’est interdit de venir à moins de cinquante mètres du Mur. Djimon a beau être sympathique, il reste le fils d’un Gardien. Et le rôle des Gardiens est justement de veiller à ce que personne ne s’aventure dans la zone interdite. Mettre Djimon dans le secret est l’idée la plus stupide que Sossou ait jamais eue.

A la semaine prochaine pour un extrait du chapitre 2 !

4 commentaires sur “L’enfant des lions : Avant/Après #01

  1. Oh c’est trop chouette de nous montrer les coulisses comme ça ! Les retours sont super intéressants, c’est des choses auxquelles je n’aurais pas forcément pensées mais c’est pertinent 🙂 Et les deux versions me plaisent beaucoup, ma curiosité est titillée !

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    1. Oui, c’est ça qui est génial avec la bêta-lecture, ça met le doigt sur des soucis auxquels tu ne penses pas toi-même, et ça permet d’emmener ton texte à un niveau que tu n’aurais jamais atteint seule. C’est beaucoup de boulot, mais ça en vaut vraiment la peine !

      Aimé par 1 personne

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