Ecriture et vie d'auteur

Nommer les personnages : quelques principes de base

Comment créer des personnages intéressants et attachants ? Il n’y a pas de recette miracle. Certains personnages apparaissent dans l’esprit de leur auteur directement avec nom et prénom, métier, arbre généalogique sur quatre générations et garde-robe complète. Mais dans la plupart des cas, la création de personnage est un processus assez long et compliqué, d’autant plus qu’il doit s’harmoniser avec la création de l’univers dans lequel il va évoluer et avec le déroulement de l’intrigue.

L’une des étapes importante et parfois très compliquée consiste à nommer les personnages ; en effet, le nom peut avoir une influence sur la façon dont le lecteur percevra le personnage dès sa première apparition. Voici donc quelques principes de base à garder en tête quand on se penche sur cet épineux problème. Dans un prochain article, je vous proposerai quelques méthodes pratiques pour y parvenir.

Cohérence et harmonie

Il est nécessaire quand on choisit le nom d’un personnage de tenir compte du monde dans lequel il évolue et des personnages qui gravitent autour de lui.

Par exemple, il n’y aurait sans doute aucun problème à appeler votre héroïne Agrippine s’il s’agit d’une jeune fille romaine du 1er siècle avant J.C., amoureuse du beau Bébulus mais contrainte d’épouser l’ignoble Plutarque – heureusement, sa meilleure amie Livie va l’aider à se sortir de ce mauvais pas. C’est déjà plus embêtant si la demoiselle en question vit en France au XXIème siècle, et passe ses soirées au cinéma avec Marion et Nathan, tout en évitant ce gros relou de Bastien.

Dans les romans de fantasy, on voit parfois des noms réels côtoyer des noms inventés. Si on est en droit de faire ce qu’on veut dans son roman, il est quand même souvent préférable de faire des choix et de s’y tenir. Si les personnages portent pour la plupart des prénoms médiévaux anglais, Maurice et Kaogul risquent de faire un peu tâche au milieu du décor. A l’inverse, si la majorité porte des prénoms inventés, c’est Ryan qui risque de se sentir un peu seul. Après, tout dépend de comment vous l’amenez ; s’il y a plusieurs peuples dans votre récit, le contraste peut tout à fait être justifié. Il devient alors un élément de caractérisation.

Un outil de caractérisation du personnage

Le nom est l’un des premiers indicateurs sur le personnage : il nous permet souvent de deviner son origine, son rang social, et peut être porteur de sens. C’est particulièrement le cas si des ressortissants de plusieurs groupes (peuples, catégories sociales; etc.) se croisent dans le récit. Pas besoin de forcer sur les détails pour deviner que Hubert de Montbaron et Pol-les-trois-doigts ne jouent pas dans la même catégorie.

Selon les cas, il peut aussi être intéressant de jouer sur les sonorités pour ajouter à la caractérisation du personnage. Certains sons plus durs auront une connotation négative et seront appropriés pour un méchant, tandis que des sons doux iront parfaitement à la gentille maman du héros. C’est particulièrement vrai dans les récits destinés à la jeunesse – pour les adultes, à manier avec un peu plus de subtilité. Certains auteurs accordent aussi une grande attention à la signification du prénom.

Parfois, le choix du prénom peut être directement lié à l’histoire du protagoniste ; dans ce cas, il peut être ponctuellement intéressant de renoncer à l’harmonie mentionnée précédemment.

Revenons à notre Agrippine du XXIème siècle : peut-être que la pauvre s’est retrouvée affublée de ce prénom à cause de la passion de ses parents pour l’Histoire. Mais si c’est le cas, le lecteur est en droit de s’attendre à une explication et à un impact – par exemple, voir la jeune fille soupirer à chaque fois qu’elle doit épeler son prénom ou que Bastien lui sort un jeu de mots débile. Un prénom inhabituel dans le contexte donné ne peut pas être traité comme un prénom ordinaire. Il participe à la caractérisation du personnage.

Bien sûr, il ne faut pas abuser : tout le monde n’a pas des parents mordus d’Histoire. Le prénom inhabituel est à réserver à quelques personnages choisis, voire un seul – et généralement, pas un obscur figurant dont personne n’a rien à faire. Et je conseillerais de se méfier aussi de cette tendance à affubler le personnage principal d’un nom hors norme, parce que c’est un ressort qu’on trouve assez souvent et qui devient très cliché. Un héros a tout à fait le droit d’avoir un prénom bateau.

Le ton du récit

Le ton du récit va également avoir une influence sur le type de noms que vous donnerez à vos personnages. Des noms ridicules, décalés, propices aux jeux de mots, etc. passeront tout de suite mieux dans un récit humoristique que dans un roman très sombre. C’est ainsi qu’un Deuxfleur est tout à fait à sa place dans les Annales du Disque-Monde, mais aurait fait un peu tâche dans l’Assassin Royal.

Eviter la confusion

Il est primordial dans un récit de faire le maximum pour éviter la confusion chez le lecteur. Cela passe notamment par un choix judicieux des prénoms. Il vaut mieux éviter les prénoms trop semblables, car ils risquent d’entraîner des mélanges entre plusieurs personnages. De manière générale, il est préférable de varier les longueurs et les sonorités. (En plus, ça permet d’éviter de lasser le lecteur avec des noms trop uniformes.)

Attention à un détail : des prénoms qui ne se prononcent pas du tout de la même façon peuvent malgré tout avoir un certaine ressemblance à l’écrit. Il suffit parfois que deux prénoms aient à peu près la même longueur et commencent par la même lettre pour embrouiller le lecteur. (C’est particulièrement vrai pour ceux qui, comme moi, ont tendance à photographier l’allure des noms plutôt que de les prononcer mentalement.) Amanda et Aurélie ne se ressemblent pas du tout à l’oral, mais je sais que si ces deux prénoms se côtoient dans un même récit, je vais avoir tendance à les confondre.

Un dernier mot sur l’homonymie : vous avez peut-être passé toute votre scolarité avec minimum trois enfants portant le même prénom que vous dans votre classe, mais dans un roman, ça ne se fait pas. Presque pas, du moins. Outre que c’est l’idéal pour complètement embrouiller le récit, ce genre de détails est suffisamment marquant pour attirer l’attention du lecteur et lui faire croire que cela aura un impact dans le récit. Evidemment, si ça a vraiment un impact dans le récit, c’est différent ; par exemple, si le méchant se trompe d’Agrippine au moment de l’enlever pour demander une rançon… (Après, réfléchissez bien… Une Agrippine, c’est déjà dur à justifier, alors deux…) Bref, à réserver aux cas où cela a vraiment une utilité dans le récit, et pas juste pour faire comme dans la vraie vie.

Voilà pour ces quelques principes de base, n’hésitez pas à me dire en commentaire si vous pensez à d’autres choses à garder à l’esprit quand on nomme ses personnages. Le mois prochain, je vous présenterai quelques unes des techniques et astuces que j’utilise pour trouver le prénom idéal !


Photo by chuttersnap on Unsplash

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3 commentaires sur “Nommer les personnages : quelques principes de base

  1. Ah donner des noms c’est compliqué ! Je me rappelle que ça m’a fendu le cœur le jour où j’ai réalisé que je devais changer le nom de plusieurs de mes personnages parce qu’ils n’étaient plus du tout cohérents avec l’histoire…

    Mais si tu as besoin d’aide, n’oublie pas que j’adore donner des noms complètement hors propos et dont tu n’arrives plus à te défaire à tes personnages ! 😀

    Aimé par 1 personne

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